J'ai terminé ce livre en décembre, en voilà la critique



Editeur : J'ai lu
ISBN : 2290050393
314 pages

Les sœurs Owen ont grandi en Nouvelle Angleterre, il y a quelque siècle le théâtre de féroces chasses aux sorcières. Ce n'est donc pas une coïncidence si des choses étranges se passent autour d'elles, et que le voisinage évite et craint la famille des deux sœurs depuis des générations...

En effet, Sally et Gillian sont des sorcières. Ayant perdu leurs parents à un jeune âge, elles sont élevées par leurs tantes, deux femmes étranges qui s'habillent en noir et n'ont pas peur de laisser leurs nièces aller au lit après minuit, ou boire du Dr Pepper au petit déjeuner.

Personne ne sait si la magie y est pour quelque chose, mais les deux sœurs sont aussi différentes que possible. La consciencieuse Sally a une chevelure noire de corbeau, tandis que Gillian, blonde et impétueuse, attire l'attention de tous les garçons avec son charme et sa beauté empoisonnés. Alors que Sally s'est mariée, Gillian a échappé au giron des tantes dès qu'elle a pu, se faisant la promesse de ne plus jamais retourner à l'est du Mississippi.

Pendant des années, elles ont vécu séparées... Jusqu'à ce qu'un événement sordide ne les réunisse à nouveau.

Il n'y a pas de baguettes magiques dans la famille Owen, et malgré les doutes de leurs voisins, les sœurs ne jettent aucun sort autour d'elles. Bien sûr, elles savent des choses que d'autres ignorent. Si elles le voulaient, elles pourraient utiliser leurs dons comme le font leurs tantes, en aidant des femmes désespérées à faire tomber des hommes mariés pour leurs charmes. Mais les deux sœurs veulent avant tout être comme les autres.

Plus que cela, la magie dans le livre d'Alice Hoffman tient plus de la clairvoyance que du surnaturel : elle aide les sœurs à voir, mais pas à lire les pensées des autres. Elle influence aussi les évènements - et souvent à renfort d'ironie - mais il est parfois difficile de différencier ce qui est magique de ce qui ne l'est pas. L'effet qu'ont ces femmes sur les hommes, les coïncidences ; semblent être amenés par un charme mystérieux - un charme assez puissant pour faire qu'un homme tombe amoureux d'une femme simplement en lisant une lettre qu'elle a écrite. La magie donne une seconde dimension à la vie des Owen. Lorsque Gillian tombe amoureuse, le beurre fond, si bien que "celui qui en veut doit le verser sur une tranche de pain, ou le mesurer à la cuiller".

L'humour tendre d'Alice Hoffman ajoute une maladresse attachante aux personnages, qui grandissent et changent. La magie sert aussi à mettre en valeur cette évolution, ainsi que les relations au sein de la famille. Elle annonce leur destinée, mais attention : on n'est jamais certain de comment tout ca va tourner. La magie a quelque chose de vicieux et bienfaiteur à la fois, et les sœurs ne savent jamais quel côté va pointer le bout de son nez.

Le style d'Alice Hoffman, à la fois intelligent, "cosy" et ponctué d'un humour pince-sans-rire, donne une langueur à la vie des femmes Owen, tandis que l'on apprend de leurs expériences. On pourrait reprocher un début un peu lent, tandis que l'histoire ne prend son rythme qu'à partir du retour de Gillian en Nouvelle Angleterre, vers le milieu du livre. Cependant, la seconde partie est une brillante analyse du passage à l'âge adulte, et l'histoire sait éviter les clichés que l'on peut trouver dans les histoires de magie.

"Il y a deux cent ans (...), les gens croyaient qu'il y avait une raison pour tout, et qu'ils pouvaient deviner ces raisons facilement. Sinon, quelque chose de malfaisant devait forcément se cacher derrière". Tandis que la magie était alors un prétexte pour expliquer l'inexplicable, elle rend ici les personnages un peu plus humains.



Ce livre a été adapté au cinéma dans les années 1990 avec Sandra Bullock et Nicole Kidman sous les traits de Sally et Gillian. C'est un film vraiment rafraichissant mais je ne trouve pas qu'il reflète le livre. Par contre, Sandra Bullock correspond complètement à l'idée que je me fais de Sally.

Ce qui est dommage c'est que le film met de côté les deux filles de Sally, qui ont autant d'importance que Sally Et Gillian dans la deuxième partie du livre. J'aime en particulier la façon dont Hoffman les fait grandir, avec leurs doutes et peurs propres à l'adolescence.

Le film donne a la magie un role beaucoup plus basique et attendu. Dans le livre, la facon dont la magie se manifeste est beaucoup plus subtile. Je trouve l'analyse d'Hoffman très fine, vraiment, et son écriture est pleine de charme.