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Moi qui n'ai pas connu les hommes
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Harpman, Jacqueline
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Une thématique très ancienne abreuve ces pages : l'enfermement dans une cave de quarante femmes « qui vivaient sans savoir ce que leur vie signifiait » évoque les prisonniers de la caverne de Platon, exclus à jamais des lumières de la vérité; quel vol ont-elles commis pour être ainsi punies; pour quel crime prométhéen les êtres humains subissent-ils cet enfermement? La communauté exclusivement féminine rappelle bien entendu les Amazones, même si, dans ce cas, au moins au début, on a plutôt l'impression de femmes dominées, emprisonnées par les hommes, exclues par eux plutôt que l'inverse.
Le point d'arrivée de la « petite » aurait des allures d'Eldorado (le salon confortable, les riches nourritures, les livres variés). Extrapolations, peut-être, que certaines de ces références. Mais d'autres modèles, plus contemporains, sautent aux yeux, comme Huis clos (l'enfermement, l'incompréhension, la lumière perpétuelle, les gardiens aussi prisonniers que les détenus) ou En attendant Godot : « Nous ne pouvons pas nous suicider, mais nous mourrons quand même. Il suffit d'attendre. » (Harpman place en épigraphe d'une autre oeuvre la belle phrase de Beckett : « Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c'est la nuit à nouveau. ») Jusqu'aux prénoms des deux principales compagnes, Théa et Dorothée, dont chacun comporte en son sein la racine « thée » (« dieu » en grec), comme le nom de Godot contient la racine « God » (« dieu » en anglais).
Des exemples? « Et nous avions des fous rires. Je riais aussi. » Pourquoi avoir banni de la narration l'humour, source du rire? Parce que rire est le propre de l'homme, et que ce monde est déshumanisé? Mêmes constatations pour la tristesse ou l'émotion : la mort omniprésente, le deuil des amies, les chants de soprano de Rosette, tout cela pourrait donner lieu à la compassion du lecteur : « Le ton était si lent, triste et profond que l'abomination se changea en douleur, et je sentis mon coeur se serrer ». Grâce à quoi?
Grâce au style, bien sûr, et cela m'amène à dire pourquoi je regrette de le considérer, en général, comme plutôt lourd. Tout d'abord, la complexité grammaticale de certaines phrases me paraît nuire à la fluidité du récit : « Quand Dorothée se réveilla et trouva la force de relater notre conversation, elle ne révéla pas que je lui avais dit qu'elle était sotte, mais, si attentive qu'elle fût à ne pas ternir son prestige, elle ne savait rien de mon secret et ne put le dissimuler. » L'ensemble est plutôt travaillé, impression produite notamment par l'emploi du passé simple et surtout du subjonctif imparfait.
La fin à mon sens est belle, un peu frustrante pour les amateurs d'aboutissements, d'une fin. Là c'est celle de la dernière, mais l'on se posera toujours des questions. Qui, quoi, comment?
Moi qui n'avais pas lu Harpman. Je découvre.
Intéressant toutefois, surtout si l'on sait que Jacqueline Harpman est psychanalyste ET romancière.
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Christiane Mélin
(332 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Fiction
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Édition : Livre de Poche, 191 p. , ISBN : 2253140937
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| | Date :
3/1/2006
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Moi qui n'ai pas connu les hommes
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Harpman, Jacqueline
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Déception. Je ne suis pas sûr d'avoir compris le message.
La narratrice, dont on ne connaîtra jamais le nom, se trouve enfermée dans une cave avec d'autres femmes. Elles sont quarante. Il doit y avoir un symbole dans ce nombre. Des gardiens (mâles) les surveillent jour et nuit. Un jour, une sirène retentit et les gardiens prennent les jambes à leur cou. Ces dames se retrouvent à l'air libre, et là commence une errance pour trouver d'autres êtres humains. Comme dans la Bible.
Bon, nous sommes d'accord : on peut parler d'incommunicabilité, de recherche de soi (ou de Dieu, pourquoi pas), de schizophrénie, d'incomplétude sexuelle, que sais-je. Je suis allé jusqu'au bout pour savoir comment cela se terminait. Eh bien, cela finit comme cela a commencé. On a comparé à Kafka, à Paul Auster, à Dino Buzzati. Je trouve cela fort exagéré.
L'auteur est psy, cela se sent. Quand les psys commencent à délirer, cela ressemble à de la tambouille politico-surréaliste. Donc à la limite du compréhensible.
Très bon point : bien écrit, comme tous les livres de Jacqueline Harpman.
Voilà pourquoi je mets quand même 3/5.
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Guy Capelle
(559 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Fiction
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Édition : Livre de Poche, 192 p.
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| | Date :
11/1/2005
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Moi qui n'ai pas connu les hommes
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Harpman, Jacqueline
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Imaginez une grande cave, et dans cette cave une grande cage, dedans quarante femmes d'un peu tous les âges et une enfant. Tout autour de cette cage circulent des gardiens, silencieux, indifférents, exécuteurs d'une tâche étrange : surveiller ces femmes sans les regarder, sans leur parler, sans manifester la moindre émotion, mais attentifs à tout, puisque à la moindre petite chose, leur fouet claque... Ces femmes sont vêtues, chauffées, elles ont de l'eau pour se laver, des matelas pour dormir, de grandes marmites pour faire cuire la nourriture qu'on leur passe deux fois par jour par une grille, des ustensiles pour manger qu'elles doivent rendre à la fin du repas, mais c'est tout ce qu'elles ont. Ce sont là les considérations pratiques de ce dans quoi Harpman nous entraîne. Regardons maintenant à l'intérieur de cette cage : quarante femme dont une toute jeune fille. Aucune d'elle ne sait pourquoi on les a enfermées, pourquoi on les maintient en vie. Cela dure depuis des années, personne ne saurait dire combien, la notion du temps a été perdue, il y a longtemps... Les femmes mangent, dorment et défèquent. Et elles parlent. Leurs paroles sont insipides et vides. Elles ont épuisé leurs énergies à poser des questions sans réponse, au tout début, depuis elles sont devenues raisonnables, elles se sont habituées à cet état étrange. La « petite », c'est la plus jeune. Elle se met à réfléchir, elle apprend à compter, elle se met à calculer, à poser des questions... Elle dérange un peu les autres femmes. Elle n'a aucun souvenir de l'avant, elle est pauvre de tout, pourtant elle va innover, inventer du neuf... Cela s'avérera utile, plus tard... Jacqueline Harpman écrit ici un roman remarquable mais pas époustouflant comme Orlanda ou La plage d'Ostende. C'est un roman psychologique et le sujet est nouveau : quarante femmes enfermées, sans que l'on sache pourquoi... La condition humaine est exposée à nos regards curieux et affamés : pourquoi sont-elles enfermées? et que va-t-il se passer? Et surtout le saura-t-on à la toute fin du roman? La réponse est.... Je vous laisse deviner. Mais même à la fin, une fois le livre refermé, un malaise subsiste : pourquoi la folie ne s'est-elle pas emparée de ces femmes? de cette femme? Parce qu'il y a un but à toute existence, bien sûr c'est évident...
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Véronique J. Laliberté
(84 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Fiction
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Édition : Stock, 1995, 166 p.
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| | Date :
9/1/2002
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Livre(s) de Jacqueline Harpman critiqué(s) sur le Guide
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