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Kokis, Sergio
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Quel talent! La page couverture du livre nous offre une des toiles de Sergio Kokis et donne déjà les couleurs du récit. Et quelle écriture! J'admire la plume de cet écrivain. Parfois sa façon de dire les choses me faisait penser à Luis Sepulveda et à son roman Le vieux qui lisait des romans d'amour, mais la comparaison s'arrête là. C'est riche au niveau du vocabulaire et la culture de l'auteur m'épate. En tant que professeure de littérature de jeunesse, j'y ai même trouvé des références à Propp et aux contes de fées; j'ai aussi aimé retrouver les noms de Goethe, de Henry Miller ou encore, j'ai bien apprécié les remarques faites sur Joseph Conrad. Tout ce que l'auteur a ramassé en connaissances, il semble y faire une place dans cet essai-roman. Cependant, j'avais souvent l'impression (ici, je m'inspire des paroles de Boris qui parle de Marlow, p. 177) « qu'il se divertissait à raconter son récit qu'il avait l'air de créer au fur et à mesure qu'il le racontait ». L'auteur erre dans ses propos comme le héros de son histoire erre dans le temps et l'espace, entre la réalité et la fiction. Le titre du livre ne peut être mieux choisi. Enfin, quel est le sens d'une vie? Kokis fait dire à son personnage principal : « Les travailleurs ne pensent qu'à devenir riches, à consommer, à voyager et à changer souvent de voiture. » (p. 115) Et nous nous rendons vite compte que d'après Boris, les pays socialistes ressemblent aux pays capitalistes mais « avec dix ans de retard ». (p. 116) C'est assez déprimant comme philosophie mais on reste là néanmoins à admirer Boris, qui a encore le désir de transformer, le goût d'écrire, malgré ses mensonges occasionnels, contrairement à Mateus, qui se contente du moment présent sans vouloir convertir personne, ou au colonel Policarpo, qui se révèle un militaire endurci, un agent de la drogue sans conscience. Ce que Boris retrouve malgré ses espoirs? Rio de Janeiro, la décadence, le pire! Il constate que l'individu n'est qu'un objet à exploiter comme une bête. Le monde de rêve s'effondre, c'est la chute de tous les espoirs. Aussi bien se suicider... et il y pense. Enfin, je ne peux pas dire que l'histoire « lourde » de Boris, une histoire qu'il traîne comme un boulet, m'a passionnée même si je sais que ce monde infernal existe (peut-être même à cause de cela) mais je suis restée absolument fascinée par l'écrivain qui se cache derrière tous ces propos décousus, tous ces faits divers, ces hasards et qui en fait une histoire assez cohérente malgré tout. Évidemment, je l'ai trouvé assez malin lorsqu'il se moque des professeurs qui se contentent de parler des livres des autres ou lorsqu'il met la métaphysique, la sémiotique, etc. dans le même sac. Enfin, c'est son droit, c'est son personnage, son récit, n'est-ce pas? Aussi, après avoir tant entendu parler récemment de l'exploitation des enfants un peu partout dans le monde, les coucheries décrites avec les fillettes m'ont bouleversée particulièrement. Ce n'est donc pas un livre que je conseillerais aux âmes fragiles malgré son écriture remarquable! Quelle plume de maître!
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Lysette Brochu
(14 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Fiction
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Édition : XYZ, 1996, 486 p.
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avant 2001
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