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Bertina, Arno
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Au centre de ce second roman d'Arno Bertina (son premier roman, Le Dehors ou la migration des truites, avait été très remarqué), il y a une chanteuse d'Opéra : Myrtle Gordon (surnommée aussi, au gré du livre, Ariane Duval ou Mable), dont la vie est tout entière tendue vers le chant, le rapport au corps qu'il induit, le positionnement de la voix, le traitement du souffle, mais aussi la présence des autres corps autour d'elle.
Sur ce thème, de profondes résonances parcourent le livre, l'ancrent dans une prose précise qui joue de toutes ses virtualités pour asseoir cette question du souffle, du chant, et l'amplifier. En contrepoint de ce sujet central donc, de cette voix disséquée au fil du roman dans ses variations, ses tonalités, sa charnellité d'organe (à la fois ce qui dépasse la seule question de cette chair et ce qui ramène immanquablement à ce corps malgré tout), il y a une voix, une écriture qu'on ne peut pas ne pas remarquer. La syntaxe est bousculée mais maîtrisée, la phrase trouve de l'amplitude, se ramène à un simple filet de souffle, est relancée, poussée à une limite, puis reprend un battement régulier. Arno Bertina parvient ainsi à immerger profondément son lecteur dans le roman, mais ce n'est pas tout. S'insère aussi, peu à peu, tout un plan ironique, humoristique parfois même, qui vient jouer sur l'aspect bouffon, comedia dell'arte que l'Opéra, parfois, sait aussi investir, et tout cela.
Enfin, au-delà de cette composition et de cette écriture maîtrisées, il y a l'histoire et les personnages qui la servent. Autour de Myrtle Gordon se bousculent d'autres chanteuses, un mari, un agent, un avocat, un procureur, etc... C'est que Ariane Duval, alias Myrtle Gordon ou Mable, est accusée de non-assistance à personne en danger, et d'homicide volontaire sur l'agent artistique de son ensemble vocal (qui était aussi par ailleurs son amant). Ce dernier a été englouti dans des sables mouvants, sous les yeux de la cantatrice... Le procès est en cours, les témoins affluent, l'accusée se défend comme une enragée. Dès lors se déploient des anecdotes, des situations (parfois cocasses), des souvenirs, mais aussi les artifices, les sautes d'humeur et les frasques, les bouffoneries et les grotesqueries, les émotions, les vraisemblances et les trompes-l'œil de la cantatrice et de tous ceux qui l'entourent... Ce roman est le portrait d'une artiste dans toutes les contradictions qui l'animent.
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Lionel Destremau
(3 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Fiction
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Édition : Actes sud, 220 p.
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9/1/2003
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