J’ai rendez-vous. Avec un homme. Haut comme deux pommes. Je marche, lentement, dans le couloir qui mène à sa porte, une boule dans la gorge. Tout à l’heure, je me suis maquillée, un peu, pour être belle, pour lui.
J’ai rendez-vous. Avec toi.
Je sonne à l’interphone. Bouton numéro un.
« Oui ? » Une voix de femme me répond.
Je suis désarçonnée. C’est la première fois que je viens seule.
« Bonjour ! Je suis…Je suis la maman de Théo !
-Entrez Madame ! »
J’ai rendez-vous. Avec un homme. Avec mon fils. Hier encore, je te disais bonjour en caressant mon ventre d’un geste devenu familier. Aujourd’hui, pour te voir, je dois prendre deux escaliers, un ascenseur, décliner ma si récente fonction de mère et aller te chercher tout au bout d’une allée, boîte parmi d’autres boîtes.
Je ne te vois pas. Je te cherche. Je suis perdue. On m’indique ta place.
Tu as l’air bien, reposé. Ton petit corps est étalé délicatement au milieu d’une couche fermement enroulée. S’il n’y avait ce creux sur ton torse, qui se forme en rythme, et parfois s’emballe ! S’il n’y avait tous ces fils !
Je m’assois dans un fauteuil à côté de toi, fatiguée, mal à l’aise dans la blouse que l’on doit porter pour entrer ici. Et je pleure, en silence, à l’intérieur. J’ai si peur pour toi. Je me sens si impuissante. Je voudrais te protéger, et je ne peux rien.
Des courbes de couleur sur l’écran au dessus de ton igloo semblent mesurer des données que je ne comprends pas. J’avance une main vers un des hublots de ta couveuse.
« Vous pouvez ! » me dit une infirmière en passant, avec encouragement.
Je passe mes deux mains. Je touche un de tes pieds, ta tête si douce.
Soudain, une alarme se met à sonner. Une infirmière se précipite. Je me recule vivement.
« Respire Théo ! Allez respire ! » dit-elle en regardant l’écran. La courbe du haut se stabilise. Elle éloigne ses mains et ferme la couveuse.
« Il a dû sentir votre présence ! » me dit-elle en souriant.
Je me rapproche à nouveau. Je prends ton petit pied dans mes doigts. J’essaye de transmettre tout mon amour dans cette pression. J’essaye de contrôler cette douleur qui prend mon ventre.
Ca ne devait pas se passer comme ça !

Merci à toi pour ce commentaire.

Un très beau texte mais qui m'a mis mal à l'aise.

Bonsoir Annalekt,

Ce texte m'a mis mal à l'aise parce que j'ai tout de suite pensé que c'était une histoire vécue, et qu'en imaginant la détresse de cette jeune maman je n'arrivais pas à profiter pleinement du texte. j'imaginais peut être aussi le pire .

Alors je me suis renseigné et je sais maintenant que le bébé va bien, qu'il a grandi et fait plein de bétise... et ça c'est merveilleux, alors je peux maintenant et seulement maintenant en parler.
Alors oui c'est un très beau texte plein d'émotion.

Mais sans vouloir enlever la moindre parcelle de mérite à Antigone, je dirais qu'on ne parle bien que de ce qu'on ressent vraiment.

Merci encore Antigone et merci Annalekt pour m'avoir posé cette question.

Je vous engage à aller lire si ce n'est déjà fait le texte : Récits de la famille Ergans
Un peu dur au début parce qu'il n'y a pas de mise en page et qu'à l'écran c'est fatiguant mais tellement beau lui aussi aue le efforts sont largement récompensés

Il y a des textes poétiques, Emily heureuse nous a laissé des choses boulversantes...

J'aime lire des textes, même court qui donnent à réfléchir, qui nous font relativiser nos petits soucis, même s'ils nous paraissent sur le moment insurmontables.

A voir aussi les textes d'Epervier

Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir... alors vivez et écrivez... lisez bien sûr aussi, mais ça ce n'était même pas la peine de le préciser.

Merci à tous les deux, Patrick et annalekt, pour vos commentaires sur ce texte déposé il y a un moment. Cela me touche. Effectivement, j'aime écrire sur ce que je connais. Cela me fait du bien et j'aime partager ces émotions.
Petit bébé va bien et ce moment est loin derrière lui.
Suite à vos commentaires, j'ai eu envie de vous proposer un autre texte. Vous verrez...