|
|
|
|
|
Bizot, François
|
|
Un livre passionnant qui se lit d'une traite ou presque... mais ne peut laisser indifférent! L'ethnologue François Bizot, spécialiste de l'Extrême-Orient, nous fait découvrir le Cambodge d'il y a trente ans. C'est beau, coloré et généreux à tous égards. L'on entend le vent dans les feuilles, les rizières et le rire des enfants, des habitants.
Fait prisonnier durant trois mois en 1971, il va survivre dans un camp de maquisards encore mal fanatisés, mais porteur des atrocités à venir que l'auteur a su comprendre et déceler. Il doit la vie et sa libération à Douch, un des pires khmers rouges, responsable direct des dizaines de milliers de morts à venir. Pour le moment, ce criminel emprisonné pour crimes contre l'humanité n'est encore qu'un jeune idéaliste vite confondu et troublé par l'esprit brillant de l'ethnologue.
François Bizot relate ensuite la chute de Phnom Penh, en 1975; il y aura fait tout ce qu'il pouvait pour aider autant que possible ce peuple qu'il n'a jamais cessé d'aimer. Le Cambodge, devenu sien à bien des égards, se mue en enfer, qu'il tente de maîtriser autant que possible. Et les joies se transforment en peurs, en mort.
Victime, porteur d'un témoignage qui lui demande trente ans à renaître, aidé en cela par des amis et son épouse, Bizot ressemble, par sa sincérité, ses rêves, un soupçon de rêve, de recherche d'une compréhension qu'il n'ose demander et une analyse minutieuse de ce qu'il est devenu « après », à toutes les voix que l'on n'a pu éteindre. Il a su avec le temps se recomposer, affronter trois décennies, avant d'écrire son témoignage brut, sans concession pour personne, revoir, ressentir les endroits de sa captivité.
Mieux (ou pire?), arriver au suprême : le pardon aux tortionnaires. Pour lui, parce que l'on ne peut que pardonner pour soi et seulement pour soi-même.
C'est une profonde réflexion sur la dignité humaine face au pire, face aussi au meilleur du moi, des autres. Une leçon d'absolu que peu de lecteurs peuvent comprendre, parce que jamais, même intellectuellement, l'on arrive à approcher certaines des pensées, des détails de ressenti que l'auteur réussit à dissimuler comme un code enfoui dans ses mots et tournures de phrase. Ils se lisent au travers de tant de mots, d'expressions.
Je me comprends...
La préface de John Le Carré, brillante en tous points, montre que l'empathie, la sympathie qu'il éprouve pour son ami François n'est pas feinte. Hommage vibrant d'un ami véritable.
Puissent toutes les victimes ne jamais trouver sur leur chemin de faux « amis », porteurs de fausses promesses, et en définitive se comportant comme s'ils participaient involontairement mais réellement à ce travail de bourreaux. Leur rejet y participe en plein, leur trahison également. L'enfer sera toujours pavé des meilleures intentions! Et pourtant, c'est parfois plus facile de leur pardonner leur lâcheté ou leur pitié mal placée. Encore que là, il faille pouvoir parler, expliquer. Rien n'est jamais plus destructeur que le mutisme, l'ignorance feinte, ce qui vaut dans les deux sens, reconnaître pour l'un et comprendre puis assimiler pour l'autre.
|
|
Christiane Mélin
(332 critiques, cliquez pour les voir)
|
|
Genre : Faits vécus
| |
Édition : Table ronde, 397 p. , ISBN : 2710309742
|
| | Date :
10/1/2005
|
ajoutez votre critique |
|
|
|
|
Bizot, François
|
|
Le portail raconte l'histoire d'un homme qui a été, au début des
années 1970, prisonnier des Khmers rouges au Cambodge.
C'est ce qu'indique le bandeau rouge qui barre le livre quand on
l'achète. Bon!
Oui mais c'est presque dommage de limiter le livre à cela et « d'attirer
le chaland » avec ce simple bandeau. Car Le portail, c'est beaucoup plus
que ça.
D'abord, Le portail, c'est le livre d'un ethnologue, qui a passé cinq
années extrêmement denses au Cambodge, avant que le livre ne commence,
et qui, au contact de grands maîtres cambodgiens du Bouddhisme, a appris
de façon accélérée a connaître en profondeur cette civilisation, ce
mode de pensée khmer auquel ni (bien sûr) les Américains, ni les
Vietnamiens qui ont envahi le pays, ni même les Khmers rouges pourtant
cambodgiens de souche mais à la tête farcie d'idéaux utopiques, n'ont
compris quoi que ce soit.
C'est ensuite un livre qui évite magistralement le principal piège de
ce genre d'exercice, qui est le manichéisme. Les « méchants », i.e. les
Khmers rouges qui ont quand même liquidé 1,5 million de personnes d'un
pays qui ont comportait 4 millions, méritent à tout le moins qu'on
essaie de les comprendre - à défaut de les excuser - et la réflexion de
Bizot là-dessus est véritablement pénétrante.
Signalons aussi que la longue deuxième partie, qui raconte l'évacuation
de Phnom Penh en 1975 (et qui n'a rien à voir avec la captivité dans le
camp de prisonniers) est elle aussi tout à fait bouleversante.
Précisons enfin pour ne pas être trop long que contre toute attente
dans ce genre d'exercice, ce livre est véritablement le livre d'un
écrivain et non pas le livre de « quelqu'un qui raconte ce qui lui est
arrivé ». Le style de François Bizot est tout a fait délicieux. Ce n'est
pas un journaliste, c'est un artiste, un vrai, qui bien qu'ethnologue de
formation, peut se prévaloir du titre d'écrivain et qui de surcroît à
su retracer pour nous une partie de l'un des épisodes de l'histoire de
feu le XXe siècle.
Suggestion de lecture:
Revoyez le film de Roland Joffe La déchirure, qui n'est pas sans
rappeler des éléments de la deuxième partie du livre.
|
|
Fabrice Conchon
(14 critiques, cliquez pour les voir)
|
|
Genre : Faits vécus
| |
| | Date :
avant 2001
|
ajoutez votre critique |
Livre(s) de François Bizot critiqué(s) sur le Guide
|
|
|
En ligne : 1673 visiteur(s)
|