Quel délice!
Il s'agit de la seule autobiographie de Sartre, mais elle raconte
surtout ses années d'enfance, de 6 à 11 ans environ. Il nous y
explique comment est venu pour lui l'amour de la lecture mais
surtout cette nécessité d'écrire qui l'a animé tout le reste de sa
vie. C'est écrit doucement et naïvement parfois.
Certains commentateurs ont dit que c'était le plus beau livre de
Sartre et je crois que jusqu'à maintenant je me range de ce côté!
Jean-Paul Sartre nous raconte son enfance - ou devrais-je dire
« psychanalyse » son enfance! L'accent est mis sur les dix premières
années de sa vie : fils unique, je qualifierais son enfance
d'« isolée ». Jean-Paul Sartre a grandi entouré de livres et d'adultes : ses
grands-parents et sa mère, cette dernière qu'il considère beaucoup plus
comme une grande sur! Il est probablement un des premiers
« enfants-rois »! Ce que j'ai retenu, c'est sa souffrance, sa difficulté
d'établir des relations interpersonnelles avec les autres jeunes de son
âge et sa précoce conscience de l'absurdité de la vie. Il a joué des
rôles, fait des tests auprès des siens et pris de l'âge avec la
crainte de ne pas être à la hauteur des espérances de son grand-père!
Il relate son apprentissage de la lecture et son expérimentation de
l'écriture. Son imagination était très fertile! On peut aussi dire que
Jean-Paul Sartre a écrit pour exorciser ses démons intérieurs...
J'oserais avancer que, même à cinquante ans, sa quête n'était pas
achevée... C'est dommage qu'un homme d'un tel génie ait été
manifestement si malheureux.
Extrait:
« Rien ne me troublait plus que de voir mes pattes de mouche échanger peu
à peu leur luisance de feux follets contre la terne consistance de la
matière : c'était la réalisation de l'imaginaire. » (p.117)