|
|
|
|
|
Semprun , Jorge
|
|
Nous sommes en décembre 1944. Déporté à cause de sa résistance, Semprun a vingt ans. Une note arrive de Berlin, provenant de la Direction centrale des camps de concentration. Elle est destinée à la Politische Abteilung, l’antenne de la Gestapo de Buchenwald. Elle demande des renseignements sur Jorge Semprun. De telles dépêches sont inquiétantes. Afin de prévenir toute menace, les camarades de l’organisation clandestine du camp, qui ont intercepté la note, décident de mettre en place le stratagème habituel dans ce genre de situation : une substitution d’identités. Semprun doit se rendre à l’infirmerie, où agonise un certain François L., dont il prendra la place au cours de la nuit.
Mais, devant François L., avec qui il avait pu naguère s’entretenir de littérature, Jorge Semprun est muet. Dans ce tombeau qu’est le Lager aux petites heures de la nuit, dans cette « salle des sans-espoir », il retourne le corps de François L. pour scruter son visage et tenter de recueillir d’improbables bribes de paroles. Et François, avant de rejoindre « l’éternité de la mort », parle. Quelques mots brefs où l’écrivain distingue seulement « nihil » dit deux fois. Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard que Semprun identifie la suite de mots que la faiblesse extrême du mourant avait rendue inaudible. En adaptant Les Troyennes de Sénèque pour le Centre andalou de théâtre de Séville, Semprun trouve, ou plutôt retrouve, ce vers : « Il n’y a rien après la mort, la mort elle-même n’est rien. »
Il aura fallu attendre plus de cinquante ans pour que Semprun nous raconte l’histoire du « mort qu’il faut », qui, trop douloureuse, avait été refoulée au plus profond de sa mémoire.
Dans cette narration cohabitent des temps simultanés : le présent du camp, tous les passés possibles, et tous les futurs qui se sont croisés depuis le camp à nos jours. Il faut reconnaître la maîtrise du temps chez Semprun, pas seulement des temps, mais aussi des personnages qui se rencontrent des années et des lieux plus tard.
Les sauts dans le temps dessinent des boucles dans l'air, et parfois, les boucles dans les boucles nous ramènent au présent avec l'étrange et véritable sensation qu'on est seulement de passage vers le passé ou le futur.
|
|
Christiane Mélin
(332 critiques, cliquez pour les voir)
|
|
Genre : Faits vécus
| |
Édition : Gallimard - Lu en audio, 2001, ISBN : 207075975X
|
| | Date :
5/1/2007
|
ajoutez votre critique |
Livre(s) de Jorge Semprun critiqué(s) sur le Guide
|
|
|
En ligne : 1413 visiteur(s)
|