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Sendrey, Gérard
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Dans une filiation que je qualifierai à la fois de proustienne et de faulknérienne, cet écrivain « tardif » (mais la valeur n'a pas d'âge), peintre avant tout, qui - je le cite - « croit à la beauté, mais ne la connaît pas et souhaite la découvrir », se risque dans une quête aventureuse de son passé et emprunte pour ce faire tous les chemins de la mémoire.
Ce qui donne lieu à un récit à plusieurs niveaux, sans ordre chronologique - il va sans dire - et cependant profondément structuré, ne perdant jamais de vue, à l'intérieur du labyrinthe d'une pensée polymorphe, les différents fils qui en constituent la trame.
Les amours enfantines, les plaisirs interdits, les premiers dangers, la guerre, la sexualité, les premières lectures dans la bibliothèque paternelle, l'Art, surtout, et les réflexions qu'il engendre, le divan du psychanalyste, ont cette « façon ténue des souvenirs de devenir insidieusement une autre réalité », celle du livre, celle d'une œuvre, traversée également par l'évocation d'une mystérieuse machine qui se prête, avec humour et gravité, à toutes les métamorphoses. Machine à coudre de sa mère, machine à écrire (bien sûr), à calculer, machines infernales de l'usine, « macchina » à l'italienne (automobile), machines à broyer ou machines à rêver... L'imaginaire de Sendrey n'est pas réductible à « tel ou tel modèle existant », qui mêle « les sentiments à la réalité » et « cherche à atteindre une vérité qui se forme au centre de soi, à partir certainement de toutes les vérités ambiantes ».
Ce livre nous ressemble. Il ressemble à nos existences passées et à venir, à nos enfances, à nos petits bonheurs, à nos joies, à nos drames, et même s'il évite, comme un exercice de style difficile, d'employer les verbes être et avoir, il porte en lui l'essence même du verbe. Le verbe créateur, qui suspend le temps pour notre plus grande fascination. Il possède aussi cette « faculté de se vouloir différent au milieu de toutes les ressemblances », et pour cette raison, il peut sembler d'un accès plus difficile que les livres ordinaires qui se vendent par tonnes aujourd'hui.
Gérard Sendrey ne l'ignore pas qui humblement écrit : « Une personne suffit pour constituer un public. Et la qualité de son adhésion dépasse les satisfactions de masse ». J'espère simplement pour lui qu'il y aura plus d'une personne à découvrir ce très beau texte.
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Jeanne Bresciani
(première critique)
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Genre : Fiction
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Édition : Michel Champendal, 2006, 319 p.
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6/1/2006
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