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Nabe, Marc-Édouard
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Disons-le tout de suite : la lueur d'espoir, c'est que les attentats du 11 septembre 2001 puissent marquer le réveil d'une société embourgeoisée. Le coup d'envoi de la (bonne vieille) Révolution. Tout en manifestant ce souhait, Marc-Édouard Nabe s'emploie à nous démontrer que rien de cela n'aura lieu : au lieu de s'interroger sur les causes des attentats, au lieu d'en profiter pour faire un bilan honnête, on sort un discours où « l'autre » est l'ennemi à abattre, un point c'est tout : « Les questions sont mal posées. Toujours “Qui?”, “Où?”, “Comment?”, “Depuis quand?”, “Jusqu'où?”, et jamais “Qui suis-je?” ». Malheureusement, dans son emportement et son sprint final, M. Nabe finit par donner l'impression qu'il n'y a aucune réserve à formuler sur ces actes terroristes. Que les kamikazes sont des héros, presque nos sauveurs. Moi qui, jusqu'ici, suis allé plus loin qu'une majorité de mes concitoyens pour préconiser une certaine retenue à l'égard des réactions psychologiques et politiques suscitées par ces attentats, je me sens obligé de débarquer du train de M. Nabe avant sa destination. Sans nier toutefois que le voyage fut instructif... et divertissant. Car ce qui frappe surtout chez Nabe, c'est son style pyrotechnique : les points d'exclamation, les allitérations et les jeux de mots inspirants fusent de partout : « Ben Laden, c'est l'Antéfric! Le Financier du terrorisme international! »; « Tout est cousu de fil blanc, mais les Yankees sont prêts à en découdre.[...] “Il faut transformer l'Afghanistan en No man's landistan!” ». Cependant, l'auteur sombre souvent aussi dans un scatologique qui confirme l'impression générale qui se dégage de son pamphlet, à savoir que celui-ci a été écrit non pas pour changer quoi que ce soit à l'état de la planète ni à la mentalité des gens qui l'habitent, mais simplement pour lui permettre de cracher sans discernement tout ce qu'il avait sur l'estomac (le livre a été écrit en deux semaines), voire en profiter pour se monter un piédestal et une petite gloire personnelle dont il ne doute pas une seconde qu'elle soit méritée, contrairement aux cinq ou six milliards de tarés dont il a le malheur d'être entouré. Ainsi, la digression qu'il se paye pour caler Michel Houellebecq ne vole pas haut : « Le lecteur français [...] se trempe dans l'oeuvre de Houellebecq comme dans une baignoire d'eau sale où l'autre a pissé (et pas seulement) pendant des années. » Cela dit, de nombreuses observations de M.-É. Nabe suscitent aussi une saine réflexion. « Le fanatisme, ce ne sont pas seulement des Arabes hurlant des gutturances menaçantes [...]. Ça peut aussi être un winner stressé, fringué friday, pratiquant onze heures par jour à son bureau, et en se forçant à s'y épanouir [...]. » « TRIBUTE TO HEROES! Quels héros? Hormis quelques centaines de pompiers zélés, les milliers de morts ne sont que des victimes. » Bien qu'il s'agisse là d'évidences, on sait que ces énoncés vont à l'encontre du discours dominant. Il faut croire que pour avoir l'audace de les formuler publiquement, il faut une personnalité portée sur l'emporte-pièce, ce qui explique - et pourrait excuser - le reste!
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François Lavallée
(210 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Histoire, Géographie et Politique
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Édition : Du Rocher, 2001, 153 p.
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5/1/2002
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