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Walser, Robert
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Robert Walser est un auteur assez peu connu au Québec et son influence sur la littérature est tristement sous-estimée. Pourtant, il était admiré par les plus grands de son époque (Musil, Benjamin, Rilke, Brod, Kafka -- d'ailleurs, il est fort probable qu'il ait même pu exercer une influence appréciable sur l'oeuvre de Kafka). L'Institut Benjamenta est, à mon avis, le chef-d'oeuvre de Walser. D'abord, il faut comprendre le style et les thèmes de l'écrivain suisse pour pleinement apprécier ce livre. Tout l'oeuvre de Walser est marqué par une sorte de vocation à l'échec, dangereusement contre-balancée par la révolte. La complaisance dans l'asservissement, la pulsion vers le bas, le petit, le médiocre, l'amoindrissement sont à la fois déséquilibrés par la lucidité, l'insolence et la révolte de l'auteur -- ce qui ne va pas sans menacer son équilibre psychique (d'ailleurs, il a passé les trente dernières années de sa vie dans un institut psychiatrique). Se sentant moins que rien, le héros walserien erre à la recherche de quelque petite chose jolie et naïve rencontrée en chemin, qui le fera sourire et réfléchir. Volontairement naïf, candide, parfois faussement, d'autres fois vraiment, le héros walserien admire les gens forts, les bourgeois et les chefs, cherche même parfois à les imiter jusque dans leurs tics les plus ridicules. Il se dit une chose qui doit être punie, et demande à l'être par ces gens biens qui sont en mesure de le juger. Ainsi, chez Walser, la naïveté enfantine côtoie la tentation de l'échec. La candeur se maintient dans un équilibre précaire avec l'insolence et la révolte. Dans Institut Benjamenta, un jeune homme entre dans une école de serviteurs où l'on apprend à obéir et à servir. C'est une discipline ascétique de réduction à zéro, brisée à l'occasion par le héros-narrateur, par l'infraction des règlements et des convenances. Tout le roman est empreint d'une atmosphère onirique et la trame du récit n'est pas sans évoquer les contes de fées -- il y a le jeune héros qui quitte la maison pour arriver dans ce monde étrange, le directeur de l'institut est l'ogre, dévoreur et castrateur, et la maîtresse est la fée bienveillante et lointaine. Vraiment, ce roman est tout entier un conte de fée moderne, raconté par le héros -- qui s'aperçoit du caractère flou et éphémère de sa situation et de sa vie, « ce rêve qu'on appelle la vie... », dit-il. Un livre à lire pour réfléchir, écrit avec la plus grande simplicité, humilité et candeur. Un auteur important à découvrir. L'Institut Benjamenta est publié chez Gallimard dans la collection « L'Imaginaire ». En librairie, il se détaille environ 13 dollars. On le trouve dans quelques bibliothèques de Montréal, notamment à la centrale et à Rosemont.
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Yvan Lantin
(première critique)
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Genre : Fiction
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6/1/2002
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