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Schwarz-Bart , André
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À jamais marqué par la déportation, en 1942, de ses parents, de deux de ses frères et d’une grand-tante, Abraham Szwarcbart publia en 1956 La légende des Justes, des extraits d’un futur roman nommé La biographie d’Ernie Lévy.
La dernière version du Dernier des Justes est le résultat d’une lente sécrétion organique qui a fondu en une seule masse uniforme les intentions, les thèmes, les tons et les rythmes des versions précédentes. Puis, une ironie cinglante, dans l’esprit des satires voltairiennes, pour fustiger la bonne conscience de la civilisation occidentale, blanche et pieusement chrétienne, conquérante et paternaliste - une ironie mâtinée d’humour noir et macabre, pour échapper à l’auto-apitoiement.
Le dessin apparent dans le tissu romanesque est l’histoire d’une famille juive, les Lévy, qui, balayés par le vent des persécutions et des expulsions, errent à travers l’Europe et dont un membre incarne, à chaque génération, le destin collectif. Le génie de Schwarz-Bart est d’avoir fait de ces personnages emblématiques et exemplaires des êtres de chair et de sang. De surcroît, il a su marier divers niveaux de lecture qui font des Lévy des héros du « Kiddoush Hashem » (des « martyrs »), mais aussi des guides spirituels, investis malgré eux des pouvoirs accordés aux généalogies de « Tsadikim » (les Justes de la tradition hassidique).
Comment expliquer à ceux qui n’ont pas assisté au succès foudroyant et international de ce roman ce que représenta alors le couronnement d’une œuvre littéraire sur le génocide juif échappant au récit historique ou autobiographique, et capable de parler si distinctement à tous? Comment évoquer en quelques lignes la marque indélébile que ce livre imprima dans les esprits, les débats qu’il provoqua dans la presse (pendant plus de six mois), et les premières expressions du « devoir de mémoire » qui lui furent associées? Comment faire comprendre qu’en 1959, la littérature du génocide était encore en gestation, que le procès Eichmann n’avait pas encore eu lieu, que les musées et les départements universitaires d’études de la Shoah n’existaient pas, et que Schwarz-Bart avait suscité une prise de conscience internationale à laquelle seul le succès de librairie du Journal d’Anne Frank (1950) pourrait être comparé?
Pour comprendre comment Auschwitz a été rendu possible, il faut plonger dans l’histoire passée pour y déceler les signes avant-coureurs de cet événement en apparence sans précédent. On retrouvera donc en fil de trame les événements historiques qui, depuis les croisades, ont accompagné les poussées d’antisémitisme en Occident, sous-tendues par une politique de discrimination, d’humiliation et de massacres. Le fil de chaîne est constitué par la réaction spirituelle des communautés juives cherchant à donner à leurs souffrances une valeur mystique et rédemptrice, même si le doute et l’incroyance s’installent.
Suggestion(s) de lecture : Œuvres d’André Schwarz-Bart :
- Le dernier des justes, Seuil, 1959 ; Livre de Poche, 1968.
- Un plat de porc aux bananes vertes (avec Simone Schwarz-Bart), Seuil, 1967.
- La mulâtresse Solitude, Seuil, 1972 ; Livre de Poche, 1974 ; Collection Points roman, 1983 ; Collection Points, 1996.
- Hommage à la femme noire (essai : six tomes, avec Simone Schwarz-Bart), Éditions Consulaires, 1989.
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Christiane Mélin
(332 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Fiction
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3/1/2007
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