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Bessy, Claude
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Je suis une balletomane passionnée. Comment alors justifier une telle note? Ce livre est-il vraiment moyen et ne m'a-t-il pas intéressée?
La réponse à ces questions n'est pas un simple oui ou non, c'est plus complexe. D'abord, j'ai noté ce livre autant pour ce que j'en pense personnellement que pour l'intérêt que je crois qu'il pourrait avoir pour quelqu'un d'autre...
Claude Bessy a déjà publié, en 1961, une autobiographie intitulée Danseuse étoile chez Hachette dans l'Idéal-Bibliothèque pour enfants. J'ai lu ce livre alors que j'avais 10-12 ans et il m'a profondément marquée. Même s'il s'agit d'un livre destiné à la jeunesse, je le noterais encore aujourd'hui 5/5... alors pourquoi 3/5 pour celui-ci?
Claude Bessy a été nommée « Étoile » du Ballet de l'Opéra de Paris en 1956 à l'âge de vingt-quatre ans. Lorsqu'elle publie Danseuse étoile, elle a donc vingt-neuf ans et sa carrière d'étoile en est à ses débuts. Même si la femme autoritaire et rebelle est déjà bien visible, elle a encore la fraîcheur et les illusions de la jeunesse. J'avais adoré ce livre et je vous le conseillerais vivement s'il était encore disponible. Je l'avais prêté, il ne m'est pas revenu (disparu sans laisser d'adresse...) et j'ai mis dix ans de recherches dans des bouquineries et plus tard des sites Internet de livres usagés pour le retrouver! Mais il en vaut vraiment la peine. L'écriture est descriptive, anecdotique et intéressante, même pour qui ne connaît pas le monde du ballet.
Je ne peux en dire autant de sa plus récente publication... Pour qui ne connaît pas le milieu du ballet à Paris et pas seulement le milieu actuel, mais les étoiles, les chorégraphes et les directeurs (!) de l'Opéra de Paris dans les années 50-60, ce livre paraîtra comme une interminable énumération de noms inconnus.
Même si plusieurs de ces noms m'étaient déjà familiers, j'ai trouvé que la première partie du livre était lourde et j'avoue que je n'ai poursuivi ma lecture que parce que le sujet m'intéressait vivement. Et j'ai bien fait puisque dans la seconde partie, j'ai trouvé des éléments de critique très intéressants.
Claude Bessy a eu une carrière de danseuse qui a duré trente ans (si on compte la formation) puisqu'à l'Opéra de Paris, la retraite est obligatoire pour les femmes à quarante ans et pour les hommes à quarante-cinq (elle précise que le règlement vient d'être amendé et ce sera désormais quarante-deux ans pour tous). Après ses adieux à la scène, elle est devenue directrice de l'École de Danse de l'Opéra et a occupé ces fonctions pendant trente ans. À aujourd'hui soixante-treize ans, elle prend sa retraite (mais je ne vois pas du tout cette femme rester inactive...) dans la controverse et le conflit.
La seconde moitié du livre parle de l'École. Elle y a consacré la moitié de sa vie active et en a fait la meilleure école de danse au monde, ce qui n'est pas rien. De ses débuts comme directrice, alors que l'École était encore dans les locaux vétustes de l'Opéra Garnier, à l'éclatement de cet orage sur sa tête dans les derniers mois, en passant par la construction (grâce à elle) d'une nouvelle école à Nanterre, Claude Bessy explique au fil des chapitres sa vision de ce qu'est l'enseignement, ce que doit être une école de l'envergure de celle de l'Opéra de Paris, comment doit se faire le choix des élèves, des professeurs, etc. Elle nous expose clairement sa philosophie de l'enseignement de la danse. Elle explique la mission de l'École de danse : « l'enseignement professionnel de la danse académique classique », précisant bien que l'École n'est pas destinée aux enfants qui aiment la danse, mais bien à ceux qui veulent en faire leur métier, ce qui est très différent. « Mademoiselle la Directrice » ne croit pas qu'on puisse faire de grands danseurs avec l'indulgence et le laisser-faire. Elle croit que sans discipline et sans exigences, on ne formera pas de grands danseurs.
De là l'orage sur sa tête. En 2002, on a commencé à parler en France d'enfants traumatisés par la rigueur de l'enseignement à l'École et un débat fut lancé sur les méthodes utilisées à l'École de danse. Bien entendu, étant la directrice de l'École depuis trente ans, tous les reproches adressés à la méthode furent mis sur le dos de Claude Bessy. Elle a serré les dents, refusant (sur les conseils du directeur de l'Opéra) de répondre aux journalistes, et a poursuivi son travail pendant deux ans. Elle a pris sa retraite définitive de l'École au printemps dernier et l'Opéra de Paris a offert une soirée de gala en son honneur. Il ne faut pas oublier que pratiquement tous les danseurs actuels du Ballet de l'Opéra de Paris furent ses élèves. Quand on sait que l'on parle de la meilleure troupe de ballet au monde et qu'elle comprend cent cinquante danseurs, on comprend de quel exploit il s'agit. Il ressort du dernier chapitre du livre qu'une campagne de salissage montée par je ne sais qui (politicaillerie française) à grand renfort d'entrevues avec d'anciens élèves renvoyés et des parents d'élèves refusés à l'école a fait énormément de tort et surtout blessé profondément l'ancienne étoile.
Personnellement, je crois que la danse classique est la plus difficile des disciplines artistiques. Elle implique beaucoup de sacrifices, beaucoup de souffrances et le corps étant l'instrument de l'artiste, la carrière est très courte. Je pense donc que le laxisme n'est pas le bon moyen d'arriver à faire de grands danseurs. Comme elle l'explique elle-même, la douleur physique entre très tôt dans leur vie, il leur faut apprendre à vivre avec elle et toujours travailler sans relâche à la recherche de cette inaccessible perfection proche de la mystique.
N'ayant jamais fait de la danse de façon professionnelle, peut-être me manque-t-il des éléments pour juger, mais j'ai pris des classes longtemps, j'ai fréquenté des danseuses et j'ai vu énormément de ballets sur scène. Pour moi, il ne fait pas l'ombre d'un doute que les danseurs du Ballet de l'Opéra de Paris sont les meilleurs au monde. C'est donc que la méthode donne des résultats. Le jeu en vaut-il la chandelle? De mon fauteuil de spectatrice dans l'amphithéâtre de l'Opéra Garnier, je réponds que oui, mais la véritable réponse, ne faudrait-il pas aller la chercher chez les danseurs?
Pour un article sur le gala à l'occasion du départ à la retraite de Claude Bessy (avec plein de photos magnifiques), allez à l'adresse suivante : http://www.imagidanse.com/.
Entrez sur le site en français, puis cliquez à gauche sur « Presse » et au centre sur « Hommage à Claude Bessy au Palais Garnier ». Le texte de l'article est rempli de louanges à l'endroit de la directrice et donne très envie de prendre son parti...
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Libellule
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Genre : Faits vécus
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Édition : JC Lattès, 2004, 253 p. , ISBN : 2709623595
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| | Date :
10/1/2004
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