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Gide, André
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Parues en 1914, Les Caves du Vatican est le grand écart d'André Gide, son morceau de bravoure et son geste le plus risqué. Cette oeuvre, ouvertement parodique, est hybride. À la croisée du théâtre et du roman, elle tient à la fois de la farce, de la moralité médiévale et de la comédie baroque, et elle subvertit tant le roman balzacien que le roman-feuilleton ou le roman noir. L'auteur, qui répartit, en de savants dosages de réalisme et de fantaisie, de logique et de non-sens, maintient le lecteur-spectateur dans une position inconfortable, tantôt invité à jouer le jeu, tantôt à s'en écarter, ballotté entre adhésion et distanciation.
Transplanté dans une famille, dont il est à même de reconstituer l'arbre généalogique - Anthime Armand-Dubois a deux beaux-frères, Amédée Fleurissoire et Julius de Baraglioul, lequel se découvre un jeune demi-frère, Lafcadio, etc. -, le lecteur se voit embarqué dans une intrigue compliquée et efficacement mise en scène. Suivant tour à tour chacun des protagonistes, il va de surprise en surprise. Sur la planète des sots et autres amuseurs, il est une bande d'escrocs aux « ramifications ténébreuses » . La pieuse comtesse de Saint-Prix, qui apporte son aide financière, transmet la nouvelle. Ainsi au courant, Amédée Fleurissoire, catholique fervent, part pour Rome, décidé à délivrer le prisonnier, mais il va à sa perte. Il n'est pas armé pour courir cette aventure, et le monde entier se ligue contre lui. Il subit des attaques graduées. Aux piqûres de punaises, de puces et de moustiques s'ajoute le dépucelage forcé. Perverti par Carola et manipulé par Protos, il finit défenestré par Lafcadio.
Lorsque le spectateur perçoit l'absurdité de ce qui lui est conté, il se met hors jeu et, passant de l'émotion au rire, il goûte l'insolence de cette facétie. Sous l'apparente harmonie, Gide débusque l'insolite, la difformité et la laideur, et, soulignant les contradictions, il porte à son comble la raillerie iconoclaste.
Non seulement tous les objets de croyance sont mis à mal, mais, l'imposture se généralisant, tout devient sujet à caution et la partition de la société en deux groupes, d'un côté les crustacés, de l'autre les subtils, se révèle fausse, les uns mimant les autres et les autres les uns, tous finissant par s'entendre ou feignant de s'entendre comme larrons en foire. Le processus d'imitation ne s'arrête pas au renversement des rôles, il n'y a pas seulement inversion, il y a démultiplication des figures. Du trompe-l'oeil à la mise en abyme, le vertige croît. Jeune et d'une beauté diabolique, il enchante car il n'a pas son pareil.
Les caves du Vatican eurent leurs détracteurs (Claudel ne pardonna jamais à Gide d'avoir attaqué l'Église) et leurs adeptes (notamment les surréalistes, sans oublier les communistes, qui, en 1933, publièrent le livre en feuilleton dans L'Humanité).
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Christiane Mélin
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Genre : Fiction
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Édition : Gallimard, 1972, 250 p. , ISBN : 2070360342
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| | Date :
9/1/2006
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