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Martin, Claire
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Oh quel beau petit livre et ce, dans tous les sens du mot.
La présentation d'abord : il s'agit d'un petit format 19 x 12 cm,
couverture rigide, reliure cousue (on n'en voit presque plus).
L'illustration de couverture : Claire Lamarre, Jalouse, 1998, diptyque,
acrylique sur bois, a été photocomposée (je crois) et représente des
feuillages en gros plans; les couleurs sont magnifiques : jaune, vert,
rouge, mauve. Bref, un petit bijou à tenir en main. Le papier est doux au
toucher et un peu jaune, moins fatigant pour les yeux. Les caractères
sont assez gros, ce qui pour être reposant n'en est pas moins décevant,
puisque c'est le signe que la lecture se fera vite, vite...
J'ai été d'abord attirée par le livre-objet, mais après avoir lu la quatrième
de couverture, je ne pouvais résister :
Une amie se meurt. Les souvenirs émus ou douloureux se tissent dans la
trame de l'amitié, de l'amour et de la trahison. Des lettres, des
dizaines de lettres réapparaissent : faut-il ouvrir la boîte de Pandore?
Claire Martin est née en 1914. Elle n'a pas publié beaucoup et si l'on
regarde les dates de publication de ses romans, c'est plutôt étrange :
1959 - 1960 - 1962 - 1965 - 1966 - 1970 - 1972 - 1973 - et puis 1999 -
2000 - 2001! Presque 25 ans de silence, puis à plus de 85 ans, un
livre par année!
Je me souviens vaguement avoir lu, lors de sa parution, Dans un gant de
fer , tome 1 La joue gauche et ome 2 La joue droite , publiés en 1965 et
1966 au Cercle du Livre de France. Elle y racontait son enfance, dans un
couvent, dans un Québec religieux et fermé au monde, tourné vers la
pénitence et l'expiation des fautes (réelles ou imaginaires...)
La brigande :
Nicette, l'amie d'enfance de Cora (elles se sont connues à 8 ans) est
morte. Maurice, le mari de Nicette, apporte à Cora trois boîtes remplies
de lettres. Avant de mourir, Nicette lui avait dit qu'il pouvait en
faire ce qu'il voulait. Maurice les a lues et toutes celles qui
concernent Cora, il les lui apporte. Après une longue hésitation, Cora
commence à lire... et à découvrir pourquoi leur amitié s'est rompue.
Elle a tant cherché ce qu'elle avait bien pu dire ou faire pour
provoquer le retrait de Nicette, qui se défilait de ses invitations et ne
la voyait plus que lors de réceptions. Elle lit la trahison de Nicette,
elle découvre que Nicette n'a épousé Maurice que parce qu'elle croyait
que Cora en était amoureuse. Maurice n'a donc jamais été heureux avec
elle. Cora est veuve, mais elle a vécu un grand amour, qu'elle avait
gardé longtemps secret, jusqu'à son mariage. Elle trouve dans les boîtes
une lettre que son mari a envoyée à Nicette disant qu'il ne comprenait
pas ses avances, surtout dans le contexte de la grande amitié qui liait
les deux femmes. Il ne lui en avait jamais parlé. Cora a l'impression
que Nicette continue à tout salir, même après sa mort...
C'est une petite histoire d'horreur que celle-ci, peut-être que j'y ai
réagi très fort parce que pendant longtemps j'ai cru (comme Cora) que
l'amitié pouvait durer pendant toute une vie. L'écriture est superbe.
L'air de rien, comme ça, l'auteur nous enfonce dans l'horreur de la
découverte de la trahison d'une amitié qui finalement n'a jamais existé
que dans le regard de Cora. Devant le recul de Nicette, Cora avait fait
le deuil de leur amitié, sans comprendre ce qui avait pu changer, ce
qu'elle avait pu faire pour provoquer un tel changement chez sa grande
amie. Maintenant que Nicette est morte, Cora réalise que l'amitié dont
elle a fait le deuil n'a jamais existé et le deuil qu'elle doit faire
maintenant est encore pire que le premier. Les émotions sont à fleur de
peau; sans jamais s'attarder, l'auteur décrit le chagrin d'une femme qui
perd ses dernières illusions face à une personne qu'elle a beaucoup
aimée, sans jamais être payée de retour. La cruauté de Nicette, dont on
aperçoit quelques bribes dans des extraits de lettres, est effrayante.
J'avais marqué un passage pour le citer ici. On parle de Maurice qui est
maintenant veuf et de l'effet qu'à eu sur lui le décès de sa femme :
« La mort de Nicette lui aurait fait l'effet de passer d'un lieu très
fermé à l'air vif du dehors. Il a perdu l'objet de sa terreur, mais oui,
il est veuf de son malheur, et le temps perdu pour vivre ne se rattrape
pas. » (p. 103-104).
Est-ce que cela ne vous glace pas le sang? Petit roman d'une redoutable
efficacité, je le recommande vivement; mais vous risquez de ne plus
jamais regarder vos amis(es) de la même manière...
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Libellule
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Genre : Fiction
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Édition : Instant même, 2001, 188 p. , ISBN : 289502166X
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| | Date :
avant 2001
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