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S-21 ou le crime impuni des Khmers rouges
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Chandler, David
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Au Cambodge, sous les Khmers rouges, S21 était le principal « bureau de la sécurité ». Dans ce centre de détention situé au coeur de Phnom Penh, près de 17 000 prisonniers ont été torturés, interrogés puis exécutés entre 1975 et 1979. Trois d'entre eux seulement sont encore en vie.
Dans S21, la machine de mort khmère rouge, on tente de comprendre comment le parti communiste du Kampuchéa démocratique (l'Angkar, l'Organisation) a organisé et mis en oeuvre sa politique d'élimination systématique. Une dure et longue enquête confrontant victimes et bourreaux sur le lieu même de l'ancien S21, actuellement reconverti en musée du génocide, mais aussi dans les archives qui remontent petit à petit.
David Chandler nous livre ici une analyse de ces documents, auxquels il ajoute des entretiens avec des survivants et d'anciens employés de la prison afin de faire entendre les voix d'un peuple laminé par un génocide, détruisant le quart de la population (1 700 000 personnes) et resté impuni.
Les mots ne suffisent pas pour décrire ce qui s'est passé là. L'implacable minutie de la machinerie du meurtre planifié échappe à l'entendement. Comme si la conscience refusait d'appréhender, et donc de mettre des mots d'aujourd'hui sur l'indicible.
Mais il reste les preuves - les photos, les archives, les lieux - qui font revenir les mots. Il y a aussi la mémoire enfouie profondément dans les corps, celle des gestes et des routines, qui peuvent surgir de l'inconscient comme dans un cauchemar.
Les victimes, qui ont été contraintes par la loi de la terreur d'abandonner tout repère, n'ont plus que les traces bureaucratiques ou la douleur de leurs propres cicatrices pour se rappeler.
Les anciens bourreaux, artisans ordinaires et obscurs du génocide, complices convaincus, aveuglés ou effrayés, qui ont assuré la marche quotidienne de S21, sont restés seuls avec leurs horribles secrets. Espèrent-ils que leur parole pourrait les libérer de leur passé?
Les dirigeants, les véritables instigateurs, sont quant à eux murés dans le déni de toute responsabilité.
Lieu innommable, il en est d'autres dans le monde, même aujourd'hui. Et si l'on ne peut revenir sur le passé, qu'en est-il du présent?
Les choses doivent être dites pour rendre aux victimes leur destin et leur mémoire. Elles doivent l'être aussi pour que la réflexion sur le passé aide à la construction du présent.
D'autres « choses » de ce genre qu'un jour l'on retrouvera forcément. Surtout lorsque certaines barrières seront tombées, et les lois « protectrices » tomberont.
David Chandler emmène le lecteur au plus noir de l'âme humaine, tire les enseignements de cette folie programmée. Et s'en réfère à l'Histoire, passée ou présente.
La douleur, les êtres et vies brisés que l'on oublie bien vite, mais qui un jour, parce qu'ils sont « différents », peuvent être n'importe qui...
L'on peut se permettre le temps d'un mal à l'aise de refermer ce genre de témoignage. Ils sont loin!
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Christiane Mélin
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Genre : Histoire, Géographie et Politique
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Édition : Frontières, 2002, 202 p. , ISBN : 2746701707
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| | Date :
11/1/2005
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