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Pour l'amour du peuple - Un officier de la Stasi parle
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Adler, Alexandre
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Quatre mois après la chute du Mur de Berlin, en février 1990, un ancien officier des services secrets est-allemands, qui a choisi de garder l'anonymat, parle. C'est le récit platement autobiographique d'un ordinaire officier de la STASI (abréviation de StaatsSicherheit), ou Ministerium für Staatssicherheit (en français, « Ministère pour la sécurité d'État »). Monsieur B. a travaillé comme fonctionnaire « au service du public ». Il a passé 20 ans dans la STASI. Après un passage en tant que garde-frontière, il devient informateur, puis il entre au service de surveillance comme sa femme. Communiste convaincu, il pense faire son travail pour le bien du peuple.
Ses devises : « Pour tout savoir, il faut être partout » ou « La confiance c'est bien, le contrôle c'est mieux. » Sa mission : combattre tout ce qui fait obstacle au Parti. Par tous moyens, évidemment parler n'est pas avouer et il n'est pas très loquace, ce major.
Une foi aveugle, un dévouement sans bornes… le témoignage de cet espion est terrifiant.
Par amour. Un amour inconditionnel et absolu pour son peuple. Un amour aveugle et destructeur.
Lorsque le vent tourne et que le régime dont il a fait partie change, il est rejeté et son environnement social s'effondre. Licencié de ce qui fut sa maison, Monsieur B. se retrouve alors sans perspective ni avenir. Pauvre fonctionnaire, l'Histoire t'a enlevé tes jouets!
C'est un témoignage involontairement banal et brutal sur la surveillance et l'aveuglement, sur la croyance et la désillusion. Monologue sans fioriture, livré d'un trait et dans le désarroi, où la bonne conscience du fonctionnaire ponctuel se mêle aux critiques amères sur l'attitude envers les opposants, à la peur récurrente d'un Ouest automate (« l'ennemi de classe ») et aux considérations pragmatiquement familiales sur les lendemains incertains. L'intérêt du récit tient au décalage entre les formules ronflantes dont il justifie sa raison d'être et la réalité sans relief de son travail, de ses « clients », de ses désirs, de ses idéaux. Si tant est que ce qu'il y a dans la tête d'un flic n'est jamais que le reflet du monde qu'il parasite, on a là une des clés de la facilité.
Son commentaire s'étend à une réflexion sur les services secrets du monde communiste, les batailles de pouvoir au sein du KGB et les rivalités qui l'animaient alors, de Moscou à Berlin-Est, de Béria à Markus Wolf.
Puis en arrière-fond, quelques phrases qui donnent franchement à réfléchir. B. n'était pas qu'un simple petit fonctionnaire, mais bien un de ces rouages qui, dressé à broyer, n'en subit aucune conséquence, qu'elle soit judiciaire (amnistie oblige) ou morale; « que ne ferait-on pas et à qui par "amour" »?
Aujourd'hui, B. vit tranquillement quelque part, touche une retraite ou s'est recyclé, que lui et ses pairs dorment tranquille, « on » ne viendra jamais les réveiller…
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Christiane Mélin
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Genre : Faits vécus
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Édition : Albin Michel, 1999, 162 p. Collection : Histoire à deux voix
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11/1/2006
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