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Cherfi, Magyd
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Le nom de cet auteur ne vous dit peut-être rien, mais si je vous dis que c'est le chanteur du groupe Zebda, cela vous permet certainement de mieux le situer. Issu de l'émigration, vivant à Toulouse au milieu de nombreux frères et soeurs, Magyd Cherfi nous livre à travers plusieurs courts récits ce que fut son enfance puis son adolescence, période pendant laquelle il était obnubilé par les jeunes filles qui ne le regardaient pas. Il nous parle aussi de l'image que renvoient certains illustres enfants de l'émigration, tel que Zinedine Ziddane, qui ne doit pas être de ses amis!
Extrait du récit « Le foot à droite » :
« Ces vingt-deux joueurs, on peut quasi tous les citer pour leur absence dans les batailles ingrates. Dur, effectivement, de défendre un sans-papier, une double peine, un SDF, une femme battue, une autre violée. Dur de soutenir un Beur tombé sous les balles de la République, un chômeur, un syndicaliste. Car ça le fait pas.
« On se les imagine tous, ces footballeurs entourés de communicants leur distillant le code de bonne conduite du footballeur qui assure. Tous ces footeux font de l'humanitaire façon Obispo ou dans le médical façon Téléthon. Il faut que l'acte plaise, comme une reprise de volée. Sinon, on s'entend dire :
« - C'est de la merde en barres, ton truc.
« Non! La France n'est pas plus métissée qu'une valeur républicaine en banlieue. Je souris quand on évoque l'équipe de France comme l'image d'une société ouverte plurielle et gagnante. Cette équipe de France est hermétique, individualiste et profiteuse.
« Hermétique car ces vingt-deux joueurs sans exclusive pensent foot et se battent les couilles des trente-cinq heures, de la politique de la ville ou du trou de la Sécu.
« Individualiste, car, au fond, ils se foutent les uns des autres : c'est à chacun de trouver un bon contrat, le bon club, le bon plan. Ils vivent à des milliers de kilomètres les uns des autres, dans des sphères closes pleines de kinés, de pelouses et de grosses cylindrées. Dans le luxe et l'odeur de camphre. L'unité du groupe France, dont on nous rebat les oreilles, n'est que le fantasme d'un peuple en déroute et encore plus celui des médias avides de contes de fées.
« Profiteuse, car ils gèrent leur histoire façon indice Nikkei. Pour eux, la France est ou n'est pas un immense portefeuille dans lequel ils plongent allègrement leurs pieds pour y pêcher des perles d'or. »
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Christelle Divry
(832 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Faits vécus
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Édition : Actes Sud, ISBN : 2742748067
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| | Date :
4/1/2005
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Cherfi, Magyd
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Magyd Cherfi est né et vit à Toulouse. Parolier et chanteur (avec le groupe Zebda), il publie simultanément ce premier livre et un album solo, Cité des étoiles (Barclay/Universal).
Le Livret de famille de Magyd Cherfi, c'est the Toulouse man's styling. Dix-sept ans passés à la cité des Bleuets, c'est intime et rétrospectif. Le titre est bien choisi, c'est un petit recueil d'une suite de récits, avec quelques vers par-ci par-là. Une lecture bien grillée des souvenirs d'enfance, ou à propos de l'équipe de France. Ça! ça'rime.
Sur les deux derniers textes.
Dans La honte, Magyd nous fait un témoignage sans détour, dur et tendre à la fois, de la situation familiale : l'espoir des aïeux de voir leur progéniture s'élever socialement et le regard honteux des enfants sur leurs parents : « Non! C'est pas ma mère. Ma mère est grande et maigre, puis elle a les cheveux lisses, et c'est des petits chapeaux qu'elle porte, pas des foulards bariolés. Et puis ma mère, elle travaille, elle est secrétaire... » Sans nul doute, de nombreuses personnes se reconnaîtront entre ces lignes, et au-delà de la caricature de l'intégration, ce sont bien des sentiments qui touchent finalement toutes les personnes qui n'ont pas eu une mère (« parisienne » - ça me gêne! -)) blonde, grande et svelte et qui ne sente ni le persil ni l'eau de Cologne. Autant dire une majorité silencieuse.
Le dernier texte est plus spécifique à la problématique des identités culturelles des origines : Vercingétorix est une conversation qui oppose Magyd et son pote Méméde : « Nous, nous cherchions une identité potable, un trip qui aurait fait la part belle aux contradictions qui nous obsédaient. (...) Usé des quêtes sans Graal, moi j'aimais pousser l'idée qu'on était gaulois pur sucre et point à la ligne. Ça simplifiait tout. Mémède, ça l'irritait. Il cherchait, lui, d'improbables nuances. Il essayait de repousser à plus tard ce qui m'apparaissait comme l'évidence. On puait le terroir. » Une totale adhésion à la France. L'auteur précise : « Je choisis pas, je me demande seulement si au fond je descends pas plus des Carolingiens que des tribus omeyyades. Les Abbassides, autant me parler des hobbits et de la Terre du milieu [...]. » Et plus loin : « C'est vrai. J'adhérais à la France malgré moi, même pas un choix philosophique. » La première idée qui nous vient est le paradoxe que ces références soulèvent, entre les valeurs philosophiques républicaines qui traduisent le fait d'être français et les mythes historiques qui leur servent de cadre : « Nos ancêtres les Gaulois », cette autre terre du milieu (moins mystique cependant), ne serait-ce pas une conception par le sang s'opposant à l'idée qu'on est français par adhésion à des valeurs? Magyd évoque ces valeurs : « Depuis qu'on a rendu coupables ces cons de Français, ils ne nous voient plus qu'enturbannés. Va leur dire, maintenant, qu'on est athées, agnostiques, et même un peu cathos! »
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David Brunel
(première critique)
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Genre : Faits vécus
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Édition : Actes sud, 2004, 71 p.
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| | Date :
10/1/2004
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