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Nabe, Marc-Édouard
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Nabe: Le «Je» de la vérité
Marc-Édouard Nabe utilise le «je» pour atteindre la vérité dans sa vie d'être humain et celle d'homme de lettres. C'est un jeu dangereux, destructeur, idéaliste, certes, mais c'est ce mode de vie-là qu'il a choisi depuis près de quinze ans. Marc-Édouard Nabe, quand on le rencontre, semble maîtriser parfaitement la téléportation et la machine à remonter le temps. Il apparaît tel qu'il a toujours été avec son imperméable, son chapeau, ses petites lunettes et son look qui fait hésiter entre Courteline et les années trente.
Nabe ne change pas, il est l'incorruptible du microcosme médiatico-littéraire qui poursuit et tire à vue sur le mensonge - en cela il est véritablement un enfant de la balle. Son plus grand drame, c'est que les gens autour de lui changent, retournent leur veste, soldent leurs idéologies. Car lui reste cet écrivain qui admire beaucoup (André Suarez, Dostoïevski, Soutine, Céline, Salvador Dali, Albert Ayler, Bernanos, Léon Bloy, Malcolm X, Bessie, Charles Mingus, Claudel, Péguy, Simone Weil, Billie Holiday, John Cowper Powys, Louis Massignon et le free jazz) et critique avec verve (tous azimuts) dans son monde littéraire, médiatique et people.
Nabe est partout mais Nabe est disponible, ouvert. Nabe est un curieux obsessionnel, méticuleux, extrêmement sérieux et rigoureux avec lui-même et les autres. Nabe est un individu au carrefour de tous les chemins, de toutes les forces. Ce qui impressionne chez lui, c'est sa douceur, son calme, sa maîtrise de soi, c'est cette maîtrise de ses émotions qui le rend si fort, si sûr de lui. On a de suite envie de le suivre, de lui faire confiance. Sa personnalité est un aimant qui attire ou répulse avec beaucoup de pudeur et sans fanatisme. Marc-Édouard Nabe tuerait père et mère pour témoigner sur son époque, quitte à froisser ses meilleurs amis (Albert Algoud), quitte à tuer symboliquement les vieilles stars intouchables. (l'abbé Pierre, le dalaï-lama, Polac, Coluche - un Le Pen à l'envers? - Gainsbourg, Serge July, Marguerite Duras... voir aussi : À quoi me font-ils penser?). Quand le moralisateur part en croisade, les girouettes, les gens de façade et les lâches n'ont qu'à bien se tenir. Le siècle sera bien obligé d'admettre que son observateur privilégié est un Zorro des temps modernes avec un côté Buster Keaton, un fils de jazzman amoureux de sa belle Hélène, un sociologue du temps présent qui mène sa vie à cent à l'heure et va dans tous les milieux retranscrire des instants de vie, pathétiques ou magistraux, quotidiens ou désinvoltes. La mort est présente partout dans son uvre; comme Brel ou d'autres, Nabe semble se dépêcher pour tout car son angoisse est de n'avoir pas le temps d'accomplir sa tâche de scribe moderne. Mégalo, exhibitionniste, Nabe est un épicurien assumé, classieux, mais un homme vivant qui porte en lui tous les stigmates de sa société décadente mais aussi ses joies et ses plaisirs. Je ne connais aucun véritable mégalomane qui n'a pas une once de génie; Nabe sent en lui d'énormes potentialités artistiques et sa seule difficulté est un travail sur lui-même pour canaliser toute cette sensibilité et la transformer habilement en littérature. Nabe est un ennemi absolu de la complaisance. Il est prêt à tout sauf à un compromis avec son uvre, il est ce dandy moderne qui échappe à toute idée d'étiquette et a une horreur viscérale de se trouver là où on l'attend. Nabe est un électron libre, joueur brillant, flambeur à ses heures, joyeux ou triste, passionné ou dépité... chacun peut se retrouver en lui, le détester ou le haïr car Nabe est trop entier, trop complexe. Nabe nous montre notre société par son petit bout de lorgnette journalistique. Et Dieu dans tout cela, Dieu est là pour ce chrétien oriental, il regarde et sourit à ce fils prodigieux. Les lectures de Nabe me nourrissent. Rideau. Merci pour tout cela Marc-Édouard.
Ce besoin de marquer son art...
En fréquentant assidûment les livres de Nabe, en parcourant les articles de presse qui lui sont consacrés, en découvrant ses goûts cinématographiques et ses préférences picturales et littéraires, on parvient à esquisser un portrait assez précis de l'auteur. Marc-Édouard Nabe a, au milieu de toutes ses obsessions, un besoin intrinsèque d'explorer de nouveaux chemins, de marcher sur les terrains vierges d'une nouvelle littérature. Un seul exemple pour s'en convaincre : les maîtres du grand écran qui enthousiasment le fils du Zanine: Rainer Werner Fassbinder, Orson Welles, Pasolini, Henri-Georges Clouzot... ont au moins un point commun: ce sont des précurseurs, des inventeurs de style, des génies qui eux aussi ont décidé de ne faire aucune concession, de nager à contre-courant pour un «mieux écrire», un «écrire différent». Même si le début de sa carrière est marqué par un thème d'imitation célinien, Au régal des vermines, Marc-Édouard Nabe a eu tôt fait de devenir lui-même, à travers ses romans mais aussi ses articles publiés ici ou là. Cette omniprésence de l'écriture et cette fréquence quotidienne du papier griffonné au style à bille sur des cahiers secrets a fait naître l'écrivain Nabe. Marc-Édouard est bien autre chose qu'un Louis Ferdinand bis, il est devenu un auteur qui a su brider son style, canaliser sa fougue et son enthousiasme pour faire surgir l'efficacité et le talent que tous reconnaissent, même ses ennemis. Pourquoi Nabe a préféré choisir les mots à la peinture? Parce qu'en peinture, il est trop imprégné par Salvador Dali et les images orientales, arabisantes, trop peu sûr de marquer le monde de l'art pictural tant son véritable investissement artistique est ailleurs. En littérature, par contre, il sait qu'il est en train de construire, pas à pas, une uvre, une uvre tonitruante, jubilatoire et brillante, difficile et sans complaisance. Une chose qui peut paraître anodine comme les fréquents «j'aime, j'aime pas» que l'on retrouve tout au long de ces journaux, de ces articles, est un acte d'écriture fortement connoté. Marc-Édouard Nabe ose dire les choses, ose dire ses coups de gueule, ses admirations et ses inimitiés à une époque où le consensus est roi. L'auteur renoue avec la tradition littéraire de la polémique en se mettant en avant, en prenant la lumière, en prenant des coups, des risques et en étant un spectateur sans concession de ce siècle, tantôt ironique, tantôt révolté, touché par la politique et dopé par l'amour de la vie, la peur de la mort et la beauté des femmes. Sa plus belle et sa plus intransigeante maîtresse restera sans nul doute et pour toujours: la littérature.
Suggestion(s) de lecture : Lire aussi: L'âge du Christ, Tohu bohu - Journal Intime 2, Inch'allah et les autres livres de Nabe
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Frederic Vignale
(première critique)
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Genre : Fiction
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avant 2001
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