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Je ne veux pas mourir seul
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Courtemanche, Gil
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Gil Courtemanche a fait de son récit une déclaration d'amour qui resterait vaine si elle n'avait pas été éditée, puisque la femme à qui elle s'adresse l'a quitté.
Il ne lui tenait jamais la main, il cuisinait des mets fins pour elle.
Il ne lui disait jamais à quel point elle était importante pour lui, mais il guettait ses pas dans l'escalier à la fin de la journée.
Il semble que cette femme (qui fut, pour lui, LA femme, toutes les femmes), il l'ait aimée à sa façon.
Et que ce n'était pas suffisant.
Classique…
(mais pas encore assez.)
Ses médecins lui ont annoncé qu'il était atteint d'un cancer et qu'il n'en avait plus pour longtemps. Pourtant, le départ de Violaine semble avoir balayé tout le reste: la maladie, les succès littéraires, la carrière, la famille…
Confession d'un dépendant affectif? Courtemanche écrit :
«Admettre qu'on meurt quand une femme nous quitte n'est pas se diminuer, se rendre petit, se dénigrer. Ce n'est pas le fait d'un homme faible et sans échine, sans existence individuelle. C'est le constat que fait un homme âgé qui découvre le véritable amour et qui le perd. Le bilan qu'il tire d'avoir enfin rencontré la première et perdu la dernière femme.
Ce n'est pas parce qu'une femme nous grandit qu'on est petit. Et ce n'est pas humilité que de l'admettre. Sans elle, je ne suis pas rien. Je conserve mon intelligence, mes idées, mes principes, ma capacité d'aimer. Mais ces qualités, ces caractéristiques de moi deviennent virtuelles, comme faisant partie d'un jeu de rôles où il faudrait engranger les qualités de Gil pour survivre et triompher des monstres. Problème : ces forces ont besoin de l'existence de Violaine pour s'exprimer. Sans elle je ne suis pas moi, je suis un autre que je ne connais pas bien. Et je ne sais pas si cet autre a vraiment envie de vivre.»
Je me demande si les écrivains sont conscients de la chance qu'ils ont : ils peuvent faire d'un échec existentiel un succès littéraire…
Est-ce une chance, en fait? Peut-être pas… peut-être, que cela ne change rien à leurs déboires ne leur donne pas l'impression de s'être racheté ou d'avoir grandi…
Mais faut-il grandir à tout prix?
Écrire doit-il absolument constituer un geste rédempteur?
Ce que j'ai particulièrement apprécié de ce récit, c'est son absence totale d'analyse psychologique et moralisatrice. Il s'agit d'un homme qui se tient debout, pas mal chancelant (pourrait-il en être autrement?), devant sa mort et sa solitude. Froidement. Sans aucun espoir.
«Sans elle, je ne suis pas moi»?
Gil Courtemanche est sans doute le dépendant affectif le plus lucide et le plus fataliste que j'aie lu… ou bien il a compris le vrai sens de la vulnérabilité et l'a pleinement assumé… ce qui me semble être la plus belle réalisation qu'un homme puisse faire…
Pour ma part, je n'en suis pas là.
Bien sûr que sans lui, je suis moi!
«J'ai peur. J'ai besoin de toi. Tu n'aimes pas qu'on ait besoin de toi. Tu aimerais que nous soyons tous aussi solides que toi tu l'es en apparence. Le besoin n'est pas la dépendance, ma chérie, c'est la reconnaissance de la force et de la richesse de l'autre. Ce n'est pas non plus un jugement négatif sur soi, un aveu de faiblesse, c'est l'acceptation du fait qu'exister seul et sans besoin d'un autre est une forme de pauvreté ou d'orgueil mal placé.»
J'aimerais bien répondre à Gil Courtemanche qu'il se trompe entièrement… qu'on peut se tenir seul devant sa mort –et dans sa vie.
Mais je n'ai pas son talent littéraire pour le faire.
Ni son âge.
Ni son expérience de la vie.
Ni son cancer.
Je crois que je vais me taire.
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Geneviève
(2 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Fiction
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12/1/2010
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