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Nabokov, Vladimir
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Non, si Nabokov nous invite à vivre un supplice, ce n'est pas
celui de suivre, mais sans toucher à la marchandise, Lolita sur les routes d'Amérique (dommage!). Il s'agit ici d'un roman très différent mais finalement très dur, à sa manière, lui aussi.
Invitation au supplice, c'est l'histoire d'un homme, Cincinnatus C, condamné à la peine de mort. Mais la prison dans laquelle il est enfermé n'a rien à voir avec les geôles habituelles. Loin des couloirs de la mort à l'américaine, l'auteur est ici libre au sein de la prison, communique à sa
guise avec les autres prisonniers et avec le directeur comme s'il s'agissait d'un ami. La famille n'est qu'une troupe de comédiens (ce qui arrange presque le héros!), son avocat est fantasque et la date de l'exécution inconnue. Et là est toute la perfidie de l'histoire, celle de ne pas savoir si on vit son dernier lever de soleil, si demain il ne faudra pas poser sa tête sur le billot, s'il nous est possible ou pas de mener à son terme une dernière réflexion concernant une idée qui nous trotte dans la tête depuis longtemps. Le personnage souffre singulièrement de ne pouvoir communiquer réellement (tout n'est que mise en scène, même ses interlocuteurs). Le jour de l'exécution, après avoir posé sa tête sur le billot et le bourreau n'ayant pas encore achevé son geste irrémédiable, le personnage se lève et s'en va où se tiennent des êtres semblables à lui. Il quitte ce monde de fous et cette prison surréaliste pour retrouver le monde sensé, celui pour lequel il s'est toujours senti fait.
L'histoire de ce personnage double, victime d'un monde qui ne
semble pas être le sien, d'où son départ à la fin du livre, est troublante. Mais le livre est en fait une satire, un miroir déformant, de notre société vue par Nabokov. Un univers où l'espoir ne semble être plus possible en raison de l'absurdité des situations, de l'infertilité des conversations. Des pages de conversations à trois où le troisième protagoniste (Cincinnatus) est absent, où il ne peut exprimer son désespoir face aux conversations insipides et futiles, comme celle auxquelles on peut si souvent assister.
Avec cette critique du monde vu par le miroir déformant d'un roman plein de désespoir, Vladimir Nabokov nous offre là malgré tout une étincelle d'espoir qui nous pousserait à le contredire pour nous aussi aller vers notre double, celui
où il se sent à sa place, là où se tiennent des êtres
semblables à lui.
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Cédric Blanchard
(308 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Romance
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avant 2001
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