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Farias , Victor
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Désormais, grâce à l'ouvrage de Victor Farias, Heidegger et le nazisme, plus personne ne pourra feindre de ne pas savoir ou de « n'en avoir cure ». Victor Farias montre que, de 1933 à 1945 et au-delà, l'adhésion de Heidegger au nazisme fut totale et entière, qu'elle était l'essence même de sa pensée : la lecture de Sein und Zeit (Être et Temps) le révélait déjà à qui savait lire : l'effrayante dureté du style et de la pensée préparait dès 1927 la « révolution national-socialiste » au sens où l'entendaient Röhm ou Gregor Strasser.
Aux textes jadis publiés partiellement par Jean-Pierre Faye, Farias en ajoute beaucoup d'autres, surtout des documents administratifs internes ou des textes sur l'éducation universitaire national-socialiste.
Avec Heidegger, la nuit s'est abattue à tout jamais sur la pensée. Il est pour le moins étrange que ce soit lui justement qui se soit à tel point imposé en France, comme s'il perpétuait l'occupation. Qu'est-ce à dire? À Paris, en effet, on a toujours voulu contourner, euphémiser le nazisme de Heidegger, c'était évidemment pour faire comme si Auschwitz n'avait pas eu lieu.
Le livre de Victor Farias va désormais empêcher de philosopher en rond et obligera les « heideggeriens de Paris » à affronter les questions dont ils ont toujours su qu'elles videraient d'un seul coup de tout contenu ce qu'ils ont tenté de mettre dans leurs écrits.
La question des liens entre Heidegger et le nazisme a déjà suscité bien des débats.
Au fil des ans, une réponse habituelle s'est construite. Heidegger n'aurait eu avec le nazisme qu'une relation accidentelle, temporaire et toute extérieure. Animé par le seul désir de régénérer l'Université allemande, il aurait cru, fugitivement, qu'une révolution nationale en marche pouvait permettre cette renaissance.
Cette version n'est plus tenable pour qui a lu la minutieuse enquête de Victor Farias. Durant plusieurs années, cet universitaire chilien de quarante-sept ans, qui fut l'élève de Heidegger, a fouillé toutes les archives accessibles... Sa conclusion est simple, peut-être trop simple : Heidegger fut par toutes ses fibres - ses actes, ses textes, sa pensée - un membre éminent et résolu du Parti nazi, dont il n'aurait jamais abandonné les convictions fondamentales. Implacablement documenté, ce livre est une bombe.
Certes, le philosophe n'avait pas que des amis chez les SS, et Rosenberg, par exemple, lui était ouvertement hostile. Mais pour transformer quelques croche-pieds en persécution, il faut un orgueil démesuré - et quelque indécence, si l'on songe à ce que « persécution » désignait, sous la botte de la Gestapo, pour ceux qui ont sauvé l'honneur du peuple allemand.
In fine, on peut bien imaginer que Heidegger n'a pas de tous temps été nazi. Mais toute une série de gens, assez pointilleux sur la sélection, l'ont considéré comme tel, du début à la fin. Ils l'ont jugé « sûr », et l'ont sollicité.
Lui-même n'a pas dit un mot, pas fait un geste pour dissiper ce malentendu.
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Christiane Mélin
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Genre : Histoire, Géographie et Politique
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Édition : Verdier, 366 p. , ISBN : 2864320630
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8/1/2006
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