« Il n'y a pas de vraies et de fausses lectures, ou de bonnes et de mauvaises, mais des tas de lecteurs avec des sensibilités bien différentes… » -- Dominique Demers
Afin de vivre la ségrégation plutôt que de disserter sur le sujet, J.H. Griffin se transforme en Noir avec l'aide d'un dermatologue qui lui fournit le traitement nécessaire. Il va vivre pendant six semaines les brimades qu'il dénonce, dans les États du Sud les plus ségrégationnistes, coupé de sa famille et prêt à assumer une fois l'expérience terminée les conséquences d'une telle audace en cette fin des années 50.
C'est une expérience qui me paraît difficilement réalisable dans la conjoncture d'alors. J'ai du mal à admettre qu'on ait pu l'assimiler à un Noir, la couleur de la peau n'étant pas la seule caractéristique de la négritude. Cela dit, on assiste à une errance ponctuée de rencontres chaleureuses qui sont transcrites avec vraisemblance. C'est un savant mélange d'humilité, de révolte muette et de dignité lorsqu'il constate que le Noir ne peut se poser nulle part car il n'y a pour lui aucune place dans cette société qui abuse de lui tout en voulant nier jusqu'à son existence. Les passages alternatifs d'une identité à l'autre (Noir/Blanc) de la fin ne m'ont pas paru très crédibles. Les Noirs sont souvent trop intègres et les Blancs qu'il rencontre en tant que Noir toujours entachés de vices, une simplification inutile et sûrement erronée. On devine sa critique des Blacks Panthers à demi-mots lorsqu'il aborde le racisme dans l'autre sens mais de manière beaucoup trop brève et timorée. J'aurais souhaité un peu moins de parti pris pour être réellement convaincue.