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Pilato, Philippe
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D'habitude, je feuillette les romans sans y trouver l’accroche et l’ancre qui m’y feront plonger. Celui-ci, au contraire, par sa forme et par son fond, m’a aspirée. Les descriptions y sont prenantes, certains passages sont comme des pavés dans l'estomac, on en garde des éclaboussures jusqu'au cœur quand quelques autres ne vont pas s'égarer dans les poumons.
Sur le ton :
Un roman écrit au temps de l'après disparition, donc du futur, sans pourtant qu'on y voie se dessiner d'avenir puisque même le présent lui servant habituellement de référentiel ne passe plus au passé.
Sur la forme :
Trois parties. La première reste au passé car il fait des accrocs trop profonds dans le présent, la deuxième se voudrait et est désirée être au présent, au temps de l'habitude prise de sa mort dans l'esprit et par le corps, et la troisième est une tentative avortée de futur se terminant par la mort précipitée de tout avenir.
Trois époques, trois échecs de départs reliés par un élastique indéfectible à leur point d'ancrage.
Sur les personnages :
Aucun n'est unique, chacun est multiple et au minimum dual, portant en lui des parties adverses qui s'affrontent devant une cour et plusieurs jurés, mais sans qu’il n’y ait jamais de juge.
J., l'homme qui délaisse ses affaires pour se reconvertir comme mère au foyer, Frantz qui se prouvait sa virilité en la mettant à l'épreuve des prostituées et ne supportant pas les homosexuels s’éprend d’un travesti et se retrouve non plus du côté consommateur, mais bien du côté proxénète, Alma, pourtant soumise et résignée, est poussée au bord du meurtre, quant à Vassilia, c'est assez explicite. P. est le plus sophistiqué, il s'échappe constamment, mais nous échappe aussi, il n'habite ni le temps ni l'espace, il glisse, passe au travers, comme son regard au travers des autres. Son regard, qui d'ailleurs se doit de ne faire que transpercer, car s'il venait à se planter dans quelque endroit, ce serait pour lui comme planter des tantes qui deviendraient autant de destinations potentielles. Sauf que ce que P. désire, c'est voyager sans jamais se poser, voyager sans attaches, donc sans départs ni destinations.
Sur l'histoire :
Ce qui en ressort essentiellement, ce sont les voyages, intérieurs, extérieurs, allers, retours, entre les lieux, les êtres... on en ressent des vertiges certains. Pourtant, l’histoire ne tourne pas en trajectoire circulaire, il y a bien un décor toujours différent qui se déroule dans des sens multiples, des croisements, et donc des accidents, et des travaux, mais jamais de restauration. Il y aussi cette enquête qui se déroule tout le long du périple, qui semble piétiner, mais à laquelle s’ajoutent constamment des éléments nouveaux et excitant la curiosité, et qui comme dans tout bon policier est résolue à la fin. Bref, du suspens jusqu'au bout, des surprises jusqu'au bout, et le lecteur surpris jusqu'au bout.
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Lauriane Sirour
(première critique)
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Genre : Fiction
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7/1/2007
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