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Cinq vivants pour un seul mort
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Lovey, Catherine
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Le roman commence par cette déclaration plutôt abrupte: «Je suis obsédé par la mort de Markus Festinovitch ». Qui est véritablement Markus Festinovitch, pourquoi est-il mort, s’agit-il d’un crime, d’un suicide, quel secret se cache dans son passé? »
Voilà quelques unes des questions que se pose le narrateur et qui vont finalement l’entraîner jusqu’au fin fond de la Finlande à la recherche d’une certaine vérité. Mais détrompons nous : ici pas de détective, pas de policier, pas d’enquête, pas de révélation de dernière minute, pas de coup de théâtre final. Il ne s’agit ni d’un roman policier, ni d’une histoire à suspens. On s’aperçoit bien vite que le voyage que Catherine Lovey nous raconte est un voyage intérieur, celui d’un homme que la mort d’un proche plonge soudainement dans un profond désarroi et qui décide de tout abandonner - épouse, relations, maison - pour tenter de percer le soi-disant mystère des racines de celui qu’il pensait être son meilleur ami. Mais est-ce vraiment la volonté de résoudre cette énigme qui guide notre héros? Son errance n’est-elle pas plutôt une sorte de fuite en avant, une recherche sur lui-même et sur ses rapports avec ses semblables?
Par le biais de son héros, Catherine Lovey nous livre quelques réflexions sur l’amour, l’amitié, la communication, les malentendus, l’hypocrisie, la fidélité, la trahison, l’enfance, le mariage, la vie, l’infirmité, la mort. L’auteur adopte un style purement narratif, neutre, et le récit se déroule suivant un ordre strictement chronologique. Aucune morale n’est imposée au lecteur, mais celui-ci peut prendre une par une les pensées du voyageur et se demander quelle aurait été sa propre réaction face à telle ou telle situation.
Ce livre m’a rappelé de par son style de narration, l’invraisemblance de certaines situations et les comportements parfois absurdes du personnage principal, La trilogie Newyorkaise de Paul Auster et L’aveuglement de José Saramago. La citation tirée de « Petits suicides entre amis » de Arto Paasilinna mise en exergue par Catherine Lovey n’a sa raison d’être que parce que l’action se déroule en partie en Finlande. Les personnages annexes, comme la femme de chambre algérienne émigrée à Helsinki ou le père de la petite Eleonor, ingénieur informaticien reconverti en chauffeur de bus n’ont que peu de points communs avec les héros de l’auteur finlandais bien connu.
Le style est léger, le vocabulaire simple, sans fioriture. Certains artifices d’écriture, comme la répétition de certains mots et de certaines phrases en début de chapitre sont judicieusement utilisés par l’auteur afin de renforcer le sentiment d’obsession qui poursuit notre héros jusqu’à la limite de la folie. On peut regretter le manque d’une conclusion tranchée ou d’un dénouement logique, mais cela est peut-être voulu afin de laisser la porte ouverte à l’imagination du lecteur.
Si l’occasion se présente, je ferai certainement un détour par le premier roman de Catherine Lovey L’homme Interdit, récompensé par le Prix Schiller «découverte» en 2006.
Jean-Claude Mouly jean-claude.mouly@a3.epfl.ch
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Jean-Claude Mouly
(30 critiques, cliquez pour les voir)
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Genre : Fiction
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Édition : Editions Zoe, 187 p.
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8/1/2008
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