|
|
Aussi loin que mes pas me portent
|
|
|
Bauer, Joseph Martin
|
|
L'histoire incroyable mais pourtant vraie de Clemens Forell (pseudonyme pris par le réel héros pour conserver sa tranquillité) racontée par Martin Bauer.
Forell, simple soldat capturé par l'Armée rouge en 1945 sur le front russe, ne jouit, comme tous ses compagnons, d'aucune clémence.
Jugés pour crime contre le peuple soviétique et condamnés à 20 ans de travaux forcés, tous ces prisonniers sont envoyés en Sibérie, dans les terribles mines de plomb en exploitation au-delà de la Kolyma, près du détroit de Béring. On ne peut aller plus à l'Est! Et puisque l'évasion dont rêve à ses dépens le soldat s'avère impossible vers l'est et les Américains qui voient en un de ses compagnons le criminel à rendre (aventure qui viendra à bout de l'un d'entre eux), il ne reste plus que la pire des solutions : partir vers le sud-ouest.
Atteint de saturnisme après trois ans de travaux dans ces mines, et sachant que toute limite est atteinte, et bien qu'une évasion précédente ait ratée, il repart.
Une aventure de plus de trois ans et deux mois d'une marche de plus de quatorze mille kilomètres d'errance traquée, où Forell deviendra un authentique Sibérien. Il sera tour à tour évadé, recherché et fuyard, trappeur, orpailleur, éleveur de chiens dont il devra la vie à l'un d'eux, voleur et même brigand.
Toute l'âme in-humaine se trouve dans ces pages hallucinantes. Du pire au rire même, de la folie pure à la tendresse, une telle dose de vivacité bien plus que de simple courage montre que la volonté mais aussi la chance peuvent permettre à Forell de surmonter toutes les épreuves, même celles qui semblent impossibles.
Au terme de cette fuite, à bout, c'est un être épuisé et brisé qui réussit toutefois à atteindre l'Iran.
Clemens Forell n'est pas un surhomme, il n'est pas courageux, simplement animé par la rage de vivre; sa survie, il la doit souvent à une main tendue, lorsque tout l'abandonne. Aussi à l'amour de celle qui l'attend en Allemagne avec ses enfants. C'est déjà beaucoup!
Tout son livre, finalement, par-delà l'évocation de la marche aventureuse et solitaire de Forell, peut se lire comme un roman, mais également une sorte de bilan moral, kantien presque, de la violence inhumaine inventée par les totalitarismes modernes - et d'abord par le nazisme, il n'est pas exagéré de dire que la Sibérie de Forell est une métaphore de l'Allemagne de l'après-guerre - et l'on a envie d'ajouter : de notre monde tout court, qui tel ce brave marcheur que nous suivons ici à la piste aurait perdu sa boussole et chercherait en vain un coin de terre où les hommes pourraient enfin s'adonner de nouveau à la paix. Un bilan qui, malgré l'évocation de quelques héros positifs, ne suffira certes pas à rassurer les âmes justement inquiètes.
Un récit époustouflant.
Suggestion(s) de lecture : Aux Éditions Phébus 2002 de Slavomir Rawicz: A marche forcée,
témoignage d'un bagnard polonais évadé des camps russes et qui avait, pour gagner sa liberté, franchi à pied avec des camarades quelque sept mille kilomètres d'Asie, du cercle polaire au golfe du Bengale, dans l'environnement historique et géographique le plus hostile qui se pût imaginer.
|
|
Christiane Mélin
(332 critiques, cliquez pour les voir)
|
|
Genre : Faits vécus
| |
Édition : Phébus, 2004, 448 p. , ISBN : 2859409955
|
| | Date :
6/1/2006
|
ajoutez votre critique |
Livre(s) de Joseph Martin Bauer critiqué(s) sur le Guide
|
|
|
En ligne : 30508 visiteur(s)
|