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Apostrophe aux contemporains de ma mort
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Maginhard
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Un très vieux monsieur au bord de la tombe livre ses réflexions et ses désarrois. Comme chez tous les grands vieillards en fin d'existence, son univers intellectuel, pour user d'une allégorie, est un va-et-vient sur une arche qui repose essentiellement sur deux piliers: l'heure présente et la jeunesse. Le texte est à la clef de voûte de cette arche.
Ce ne sont pas des souvenirs. Le propos n'est que secondairement de faire revivre un passé ; c'est avant tout de faire vivre le souvenir que le narrateur en garde, ce qui est fort différent. Il s'y promène, dans ce souvenir, comme dans un musée. On s'est attaché à donner aux choses de l'enfance le poids et l'importance qu'elles ont dans l'esprit d'un enfant, fort loin donc des récits attendris qui ne sont qu'une mise en forme nostalgique des préoccupations rétrospectives de l'écrivain adulte.
Ce n'est pas non plus un roman, mais plutôt un morceau de littérature pure, en ce sens que ce ne sont pas les événements racontés qui justifient le récit, mais l'homme en situation.
Emporté dans son glissement vers la mort, le narrateur fait un songe : il rêve sa mort nécessairement proche, en transformant en barque à Charon un bateau-mouche sur lequel il avait fait une partie de plaisir avec ses parents, quand il était petit. Et il constate combien le caractère inévitable de cette mort la rend acceptable pour tout le monde et même un peu pour lui, ce qui a donné lieu dans la première partie du texte — simple notation d'ambiance — à un parallèle entre la mort des vieillards et celle des animaux d'abattoir.
Enfin, intermède entre les deux bouts de la vie, une aventure homosexuelle vécue dans l'adolescence illustre un arrachement vers l'âge adulte dans un narré volontairement inspiré de celui des contes.
Julien Green, dans son journal (Ce qui reste de jour, 26 septembre 1968), a noté ceci: «Il y a dans le rêve une économie de moyens admirable. Tout ce qui n'est pas essentiel est éliminé. Le sujet est mis en valeur dans une lumière fulgurante qui rejette dans les ténèbres extérieures l'inutile, le détail, ou alors le détail est isolé dans cet éclairage surnaturel et y prend la toute première place, l'hallucinante première place. Si l'on pouvait écrire et composer ainsi, on ferait de grandes choses.»
L'auteur d'Apostrophe aux contemporains de ma mort a été immodeste. Il s'est prétendu capable de réussir à quelque-chose comme cela. Juger si l'entreprise a été honorablement soutenue n'appartient qu'au lecteur.
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Namar
(première critique)
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Genre : Fiction
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Édition : Chloé des Lys, 2011, 230 p.
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5/1/2011
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